Au 3ème millénaire av.J.-C les oies sauvages piquaient déjà vers le sud pour fuir les rigueurs hivernales des pays nordiques. Un très long parcours qui les conduit vers des terres plus chaudes, comme le delta du Nil. C’est là qu’on aurait découvert l’exceptionnelle qualité de leur chair grasse.

Non pas à l’instant de l’atterrissage où elles sont amaigries, mais plutôt au moment du départ; en effet, pour affronter ce voyage long de plusieurs milliers de kilomètres, l’oie avale d’énormes quantités de nourriture afin de se constituer des réserves de graisse. Il s’agissait en quelque sorte d’un autogavage qui rendait les oies grasses à souhait.

En les observant, les Égyptiens comprirent ce phénomène de suralimentation et l’essayèrent sur les oies et les canards domestiques qui peuplaient leurs basses-cours.

Et ils y réussirent fort bien, inventant une technique d’engraissement d’une modernité étonnante comme les décorations de certains tombeaux en témoignent.

Tout est là, bien au point, pour obtenir de gros volatiles dont les Égyptiens appréciaient la chair rôtie… C’est tout ce que l’on peut avancer, aucun indice ne permettant d’affirmer qu’ils engraissaient les oies pour obtenir du foie gras et le manger.

On murmure que les Hébreux retenus en Égypte au XVéme siècle av.J.-C. auraient diffusé l’ingénieuse méthode de l’autre côté de la méditerranée et l’on prête aux Grecs le mérite d’avoir transmis aux Romains leur goût pour le foie gras.

La première dégustation romaine nous est rapportée par Horace, juste avant le début de notre ère, dans la description d’un banquet où fût servi « le foie d’une oie femelle blanche, engraissée de figues onctueuses ».

Les Grecs déjà engraissaient leurs oies avec des figues, d’où l’expression « hêpar sukoton » (foie aux figues) qui donnera en latin « ficatum jecur ». L’engouement des Romains pour le foie engraissait aux figues est tel que bientôt on ne retiendra que ce qui en fait le goût délicat et dès le IVéme siècle, le seul mot « ficum » (aux figues) devient l’appellation pour le foie de tous les animaux engraissés. Notre « foie » français prend donc racine dans la figue latine.

Au cours du 1er siècle, Pline l’Ancien témoigne que l’héritage est tombé en de bonnes mains, écrivant que les Romains  » ne connaissent les oies que par la saveur de leur foie. Quand on les engraisse , il atteint une grosseur considérable et après l’avoir retiré de la bête, on le fait gonfler dans un mélange de lait et de miel ».

La grosseur des foies comblait d’aise les gourmands romains dont on sait les penchants pour l’extraordinaire et la démesure… jusqu’à la folie d’Héliogabale, empereur au IIIème siècle, qui lui, inscrivait le foie gras au menu… de ses chiens.

Après la chute de l’empire romains, la pratique culinaire du foie gras s’estompe peu à peu et pendant près d’un millénaire celui-ci semble disparaître de ces terres latines, pour revivre dans le Moyen-âge oriental. Élevage des oies et foies gras figurent dans un traité d’agronomie byzantin du Xème siècle qui indique clairement comment un simple foie devient « grand foie ».

Notre Moyen-âge prête au foie gras , semble-t-il, plus de valeurs médicales que culinaires et si Henry IV se régalait d’oies grasses salées qu’il faisait venir de son Béarn natal, il reste muet à propos du foie gras.

A partir du XVIIème siècle, la gastronomie française s’enrichie de foie gras, mais pas tel qu’on le connaît aujourd’hui, le « le foye gras » étant aussi bien de poules, de poulets, de chapons et même de porcelets engraissaient, alors que seuls l’oie et le canard sont aptes à produire du foie gras.

Buffon, au XVIIIème siècle, utilise pour la première fois l’expression « foie gras » telle que les Romains, en leur temps, et nous aujourd’hui, l’entendons. Quelques généreux auteurs commencent à livrer des recettes de foie gras, notamment dans des petits pâtés à la mode du Sud-Ouest.

Vers la fin du siècle, l’Alsace frappe un grand coup avec un pâté de foie gras que son gouverneur, le maréchal de Contades, offre à Louis XVI. Un pâté assez sublime pour valoir à son donateur une belle terre en Picardie et à son créateur, Jean-Pierre Clause, cuisinier du maréchal, une prime de vingt pistoles.

On dit que le pâté de Strasbourg existait déjà, mais c’est à ce moment là qu’il connut la célébrité.

Maréchal de Contades

Les révolutions agricoles entreprises à cette époque, l’invention d’Appert permettant de conserver les aliments par la stérilisation et le développement des transports allaient permettre au foie gras d’entrer triomphalement dans le XIXème siècle. Il s’inscrit à la carte de tous les grands restaurants et devient le met gastronomique par excellence des grandes occasions.

Georges Sand et Alexandre Dumas le célèbrent, et Rossini, entre deux opéras, signe la recette d’un tournedos et de macaronis garnis de fois gras. On le consomme alors de plus en plus en bocal ou en conserve. Il faudra attendre les alentours de 1970 pour retrouver les recettes chaudes à base de foie gras cru, d’abord dans les restaurants des grands chefs , puis à la table des gourmets qui apprennent à la cuisiner.